Les Journées de l’UFS sont un rendez-vous incontournable des semenciers organisé autour de plusieurs séquences, à la fois réservées à ses adhérents et à ses parties prenantes. Durant ces deux jours, nous favorisons les débats et alimentons la réflexion sur les enjeux agricoles et alimentaires.
Cette année, au regard du contexte géopolitique inédit, notre séance publique était consacrée au commerce extérieur en raison de l’excellente position de notre secteur au niveau mondial. Notre thématique était ainsi intitulée : « Semenciers français : un leadership sous tensions géopolitiques ? ».
Face au contexte géopolitique mondial, Peer de Jong a rappelé notre besoin d’innovation et d’offensivité.
Indiquant à plusieurs reprises ne pas croire au défensif, il a insisté sur l’importance de rester offensifs. Selon lui, l’action que nous menons, doit être guidée selon les trois principes de Foch qui sont : la liberté d’action (moins de normes), l’économie des moyens et la concentration des forces (grâce à une vision stratégique de l’agriculture et de l’alimentation). Abordant ensuite l’échelon international, Peer de Jong a fait le constat suivant : les marchés ne sont plus captifs avant de rappeler que la Russie produit désormais des semences.
Face à ce constat, il a souligné l’importance de travailler de nouveaux marchés, dont le Moyen-Orient, car l’alimentation présente un aspect géostratégique.
Sa recommandation aux semenciers : faire évoluer les rapports de force et être offensifs.
Témoignant de l’évolution du monde, Sébastien Abis a mis en avant le caractère irréversible de cette évolution et a rappelé que les questions agricoles dépassent largement celles du marché alimentaire.
Alors que la Chine a pris les commandes de quasiment tous les sujets, Sébastien Abis a insisté sur l’importance de reprioriser les secteurs en Europe, qui doit rester fidèle à ses valeurs, être compétitive et en capacité de monétiser ses échanges.
S’agissant de la sécurité alimentaire, il a rappelé que l’Europe l’a financé par la PAC. Sébastien Abis a ainsi mis en garde contre un éventuel désarmement sur la sécurité alimentaire : si nous désarmons sur la sécurité alimentaire, ce n’est pas une bonne nouvelle pour notre démocratie.
Sa recommandation aux semenciers : ne pas désarmer. Depuis des années, on fait la paix par la semence. Le milieu agricole, c’est comme le domaine militaire, il ne faut pas désarmer sur l’essentiel.
En 2015, AgrIDées a publié une note « Semences : une pépite française, des concentrés de valeurs ». Au SIA 2026, AgrIDées publiera sa mise à jour 10 ans après, laquelle dressera les évolutions constatées ainsi que des recommandations.
Les principaux enseignements de ce travail à paraître d’ici quelques mois ont été présentés par Marie-Cécile Damave qui a rencontré près de 80 professionnels :
Sa recommandation aux semenciers : continuer à développer l’innovation et l’IA dans la sélection.
Arthur Portier est tout d’abord revenu sur les deux marchés très captifs qu’étaient la Russie et l’Ukraine.
Face aux évolutions et aux crises que nous rencontrons, il a rappelé l’importance d’être lucides notamment à court terme et a affirmé que, dans toutes crises, des opportunités existent.
Revenant sur l’attitude de l’Europe face à la Russie (cf. paquets de sanctions), Arthur Portier a dressé un point majeur. Quand l’Europe met des sanctions face à des pays comme la Russie, qui essaye de produire des semences, le pays pourra être affaibli sur les deux années qui suivent mais, d’ici 10 ans, le pays pourra devenir exportateur du produit ayant fait l’objet d’une sanction. A ce titre, il a souligné l’importance de ne pas regarder sur les 2 années suivant la sanction mais à moyen terme, sur les 10-15 ans. En effet, comme il l’a souligné, quand on met des sanctions, la prise en compte du pas de temps est majeure.
Arthur Portier l’a rappelé : nous ne devons pas être naïfs sur les ambitions de nos concurrents. Aujourd’hui, la Russie est encore dans une dépendance, mais demain elle pourra être exportatrice.
Le sujet de l’adhésion de l’Ukraine dans l’UE a également été abordé. Rappelant que les agriculteurs sont contre cette adhésion, Arthur Portier a dressé les différents scénarios – en cas de non adhésion à l’UE – quant au devenir du pays : la Chine pourrait l’identifier comme son « jardin à produire ». Quant aux Américains, ils pourraient s’en saisir pour reverdir leur image en matière agricole ou bien l’utiliser pour cultiver des OGM. Considérant ces possibilités, l’adhésion de l’Ukraine à l’Europe serait le scénario le moins pire selon lui. L’Ukraine pourrait, par exemple, être une réponse à notre plan protéines.
Sa recommandation aux semenciers : être lucides, agiles et ne pas être naïfs.
Avant de présenter son étude sur les trois marchés identifiés comme émergents pour les semenciers, Olivier Antoine a insisté sur un point : les autres pays du monde ne parlent pas de souveraineté alimentaire mais de sécurité alimentaire.
Il a ensuite décliné les résultats de son étude relative à la potentielle implantation des semenciers aux sein des 3 marchés émergents suivants : le Kazakhstan, l’Ouzbékistan et la Turquie pour lesquels il y a une réelle volonté politique de faire des semences, une activité stratégique :
Sa recommandation aux semenciers : muscler notre jeu parce qu’un leader, par définition, ça doit être chassé.
Pour la sélection variétale
François Desprez est revenu sur le chemin parcouru, au fil des années, par la filière semencière française.
Il a ainsi souligné l’élan significatif qu’a connu la filière grâce à la facilitation du commerce international et la fin de l’Union soviétique.
Toutefois, aujourd’hui, la filière rencontre collectivement une période d’insécurité. Prenant l’exemple de la Russie, François Desprez a rappelé que ce pays était jusqu’alors dépendant des semences occidentales constituant ainsi le premier marché Pays-tiers de la filière semencière française. Or, désormais, pour accéder à ce marché et y commercialiser des semences, il a rappelé les contraintes imposées aux semenciers : développer des activités au sein même du territoire russe.
Plus globalement, les tensions géopolitiques ont également été abordées et notamment leurs impacts sur les activités semencières. François Desprez a cité, en complément des différents paquets de sanctions européens pris à l’encontre de la Russie, le déploiement de mesures de rétorsions européennes contre les Etats-Unis.
Concrètement, il a affirmé que la période actuelle est caractérisée par une insécurité d’ordre géopolitique et macroéconomique.
Ses attentes et points d’attention : la sélection est stimulée par le CIR qui est une ressource majeure pour nous et doit être pérennisée ! La loi de Finances 2025 a supprimé de l’assiette du crédit d’impôt recherche (CIR) les dépenses liées aux COV et aux brevets. Or, pour une entreprise comme la mienne, cela représente un coût non négligeable.
Matthieu Çaldumbide a confirmé la période d’insécurité et mis en exergue les contraintes réglementaires auxquelles les semenciers sont confrontés. A ce titre, il est revenu sur l’impossibilité, pour les semenciers français, de traiter leurs semences pour répondre aux besoins des pays-tiers alors même que la France est le 1er exportateur mondial de semences de grandes cultures et 2ème pour les semences potagères.
Le manque de visibilité quant au statut des semences traitées a été présenté comme un enjeu majeur pour les semenciers. Dépourvu pourtant de tout fondement juridique, les semences traitées sont, à tort, identifiées à des produits phytopharmaceutiques. Matthieu Çaldumbide a ainsi rappelé la mobilisation de la filière pour clarifier, sans ambiguïté, le statut des semences traitées qui ne doit pas être le même que celui des produits phytos.
Les freins à la production et la non-harmonisation des règles au sein du marché européen ont également été soulignés car cela génère des distorsions de concurrence pouvant impacter la compétitivité des entreprises.
Ses attentes et points d’attention : cesser l’amalgame entre les produits phytos et les semences traitées pour sécuriser nos activités ! Nous devons mobiliser pour soutenir nos activités et avoir le support des pouvoirs publics.
Pour la mise en marché de semences
Rémi Bastien a rappelé la dimension internationale des activités semencières potagères fortement liée au poids des semences qui en facilite les modalités logistiques de circulation.
Il est également revenu sur la mouvance des réglementations touchant le secteur des semences potagères et a notamment cité, dans ce cadre, les évolutions régulières de mise en œuvre des dispositions du règlement Santé des Végétaux.
Rémi Bastien a ainsi souligné la difficulté à permettre le mouvement et les flux de semences face à l’évolution des réglementations en insistant sur le fait que le terrain de jeu des semences potagères est en opposition avec l’élaboration de règles franco-françaises.
Ses attentes et points d’attention : nous devons pouvoir jouer à armes égales, nous avons besoin de simplifier nos normes ! Nous devons avoir agir collectivement avec le régulateur.
Stéphane Travert a rappelé la position de la filière semencière dans la chaine alimentaire, qu’il a qualifiée comme étant à l’amont de l’amont.
Forts de leur travail, de leurs investissements et de leurs innovations, le Président Travert a appelé les professionnels à être fiers de leur filière, avant de souligner ses besoins de stabilité. Il a, à ce titre, mentionné le CIR qu’il souhaite voir sécuriser, bien qu’il puisse être rénové.
Stéphane Travert a également souligné l’importance du CIR pour les entreprises, et ce quel que soit leur taille.
Il est également revenu sur les enjeux du stockage de l’eau et a rappelé que cela ne pouvait pas constituer un délit.
Rappelant l’importance de faire preuve de pédagogie sur tous les sujets agricoles, Stéphane Travert a insisté sur l’importance de conserver une agriculture saine, sûre et de qualité.
Enfin, il a fait mention de ses échanges avec le commissaire européen à l’agriculture et les députés européens en rappelant l’importance de maintenir le dialogue entre la France et Bruxelles, notamment au regard des risques sur la PAC.
Réélu pour une 3ème année à la Présidence de l’Union française des semenciers (UFS), Olivier Paul est engagé pour porter la voix des entreprises semencières, maintenir leur leadership et leur permettre ainsi de continuer à innover, produire et exporter.
Il a ainsi souhaité rappeler l’importance de faire preuve de pragmatisme dans l’élaboration et la définition des réglementations afin d’éviter les débats dogmatiques.
Olivier Paul a également fait mention des besoins de stabilité de la filière, dont les activités s’inscrivent dans le temps long. Les deux projets de règlement actuellement en cours de négociations à Bruxelles – le projet de règlement sur les nouvelles techniques d’édition génomique (NGT) et le projet de règlement sur l’inscription, la production et la commercialisation des variétés (PRM) – ont été présentés comme une priorité suscitant une mobilisation forte de l’UFS.
Enfin, pour maintenir le leadership des semenciers français, Olivier Paul a appelé les pouvoirs publics à s’inspirer des pays qui protègent, investissent et soutiennent leur secteur semencier puisque sans semence, aucune souveraineté alimentaire n’est possible.